Thématique : Visites Lieux : Haute-Vienne
Cette visite organisée avec l’aimable concours d’Henri et Alyette Serbource-Goguel, haut-viennois ayant choisi d’adhérer aux VMF de la Creuse s’est malheureusement déroulée sous un temps maussade et s’est terminée sous la pluie.
Le musée Adrien Dubouché
Rendez-vous place Churchill à 10h00 pour une visite commentée par Mme Céline Paul, Conservatrice. Ce musée national, fondé en 1845, est consacré à la porcelaine de Limoges et à l’histoire de la céramique. Il fait partie de l’établissement public Cité de la céramique-Sèvres & Limoges. Adrien Dubouché, principal mécène et directeur du musée de 1865 à 1881, créa aussi une école d’arts décoratifs afin de former des artistes qualifiés pour l’industrie porcelainière.
En 2003 a été lancé une extension qui a permis de doubler les surfaces d’exposition.
La mezzanine des techniques
Cet étage, dédié aux quatre étapes de la fabrication d’une céramique, présente les témoins de l’histoire industrielle de Limoges avec des machines anciennes comme des objets résolument contemporains.
Le matériau
Le terme générique est céramique, issue de l’argile cuite au four. On distingue quatre grandes catégories :
- La terre cuite, à 900°C, souvent rouge par présence d’oxyde de fer
- La faïence, cuite à 1050°C
- Le grès, cuit à 1280°C, provenant d’une argile à très forte teneur en silice
- La porcelaine, cuisson du kaolin à 1400°C, d’une blancheur éclatante
Le Kaolin
La porcelaine blanche de Chine était connue de longue date. Elle est cuite avec du kaolin, silicate d’alumine, résultat de la décomposition naturelle du granit au cours de laquelle le felspath se libère de son contenu alcalin (2SiO2Al2O32H2O).
Au XVIIIe siècle, le Roi Louis XV décide de faire fabriquer en France cette porcelaine dure. C’est Jean-Baptiste Darnet, chirurgien du Roi, qui découvre l’argile blanche à Saint-Yrieix (sa femme l’utilisait pour sa lessive) et l’apothicaire Marc-Hilaire VILLARIS de Bordeaux qui va l’identifier comme étant le kaolin nécessaire à la fabrication de cette céramique si particulière. Dès 1769 l’extraction des carrières de Saint-Yrieix demarre et l’activité va durer deux siècles dans des conditions difficiles. Maintenant l’approvisionnement provient de Bretagne ou de l’étranger.
La réalisation des modèles
Dans tous les cas il faut tenir compte du retrait important à la cuisson (environ 10%). Trois techniques sont possibles :
- Le colombin, entassement de petits rouleaux en forme que l’on finit par lisser
- Le tournage, opération difficile avec cette pâte
- Le coulage, avec une pâte liquide (barbotine) versée dans un moule en plâtre.
En 1869 apparaît la « machine Faure » pour calibrer les assiettes (400 par jour au lieu de 100 à la main). Maintenant des robots sont utilisés.
La décoration
Deux techniques, la décoration à la main par dépose d’oxydes avant la cuisson ou la décalcomanie et sérigraphie par pose de décors imprimés. L’utilisation de certains oxydes est maintenant interdite. Dans le cas de l’or il apparaît mat après cuisson, pour retrouver son brillant il faut le frotter à la pierre d’agate ou au sable de Fontainebleau.
Production industrielle
La production industrielle de céramiques, isolants ou plomberie, offre de nombreux débouchés à Limoges.
La Porcelaine de Limoges au niveau 3
Le musée possède une collection de Limoges unique au monde, qui permet d’en retracer l’histoire depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la création contemporaine.
Première salle, porcelaine des XVIIIe et XIXe siècles
Donc le gisement de kaolin de Saint Yrieix est découvert en 1766. Turgot, alors intendant du Limousin, pousse des faïenciers de Limoges à produire de la porcelaine, mais il faudra un certain temps de mise au point et la première pièce sortira, semble-t-il, en 1771. Mais pour décorer la production il faut des autorisations et c’est la comte d’Artois, frère du futur Louis XVIII et lui-même futur Charles X qui imposera sa protection à partir de 1774 avec son estampille CD. Les décors classiques de cette époque sont à base de fleurs.
La production ralentit pendant la Révolution, mais repartit ensuite après la reprise par d’anciens ouvriers en particulier Etienne Baignol le meilleur des tourneurs. Ces anciens ouvriers furent les pères fondateurs de toute l’industrie porcelainière du début du XIXe siècle. Les décors s’orientèrent vers le néo-classique, mais il est difficile de faire une chronologie car il n’y a pas eu d’estampille pendant un demi siècle.
Le musée a pu acheter en 2014, grâce à une souscription privée, un encrier en forme de châtaigne réalisé par Pierre Tharaud et offert à la duchesse de Berry lors de sa visite à Limoges. Celui-ci est placé dans un canot orné des portraits de Henri IV et Charles X.
En 1838 David Haviland crée aux USA une société d’importation de faïence et porcelaine. Ne trouvant pas les décors français au gout des américains, il crée à Limoges une entreprise de décoration en 1842, puis en bon industriel il développe les activités et Haviland devient rapidement la plus importante fabrique de porcelaine de Limoges.
Un centre de table, appelé surtout, a été exposé à l’exposition universelle de 1855 et se trouve maintenant au musée, devant une cheminée également en porcelaine.
A l’époque de l’impressionnisme de nouveaux décors apparaissent, des décors marins aux teintes nouvelles, des décors japonisants, avec des dessins différents sur chaque assiette d’un service.
Deuxième salle, porcelaine des XXe et XXIe siècles
Cette salle présente les grands courants stylistiques qui ont marqué Limoges depuis le XXe siècle. Une large place est accordée à la création contemporaine avec des pièces témoignant des nouveaux usages gastronomiques ou des objets expérimentaux qui s’affranchissent du cadre des arts de la table.
Autres salles
Nous n’avons pas visité les autres salles, certainement aussi remarquables et qui sont consacrées plus généralement aux céramiques. Au premier étage, l’antiquité, le Moyen age, la Renaissance, la Chine et les XVII et XVIIe siècles. Au deuxième étage le XIXe siècle, l’Art nouveau, l’Art déco et les céramiques contemporaines.
La visite de la ville
Dès la sortie du musée, place Winston Churchill, nous sommes pris en main par le Professeur Lionel de Lumley, professeur de médecine honoraire, ancien chef de service en pédiatrie au CHU de Limoges, adhérent VMF en Haute-Vienne, mais aussi un connaisseur éclairé de la Ville de Limoges et de son histoire. Justement un plan de la ville est affiché sur la place et nous permet de visualiser les emplacements successifs des agglomérations.
L’emplacement originel de la capitale des Lémovices (province gauloise) est situé à quelques kilomètres au sud-est de Saint-Léonard-de-Noblat, à Villejoubert (commune de Saint-Denis-des-Murs) au confluent confluent de la Vienne et la Maulde. Des fouilles y ont été entreprises.
Limoges a été fondée par les Romains vers l’an 10 avant notre ère sous le nom d’Augustoritum (Le gué d’Auguste) sur un vaste coteau surplombant un gué sur la Vienne. À la fin du IIIe siècle, Augustoritum est progressivement abandonnée à la suite des troubles et de l’insécurité provoqués par les invasions germaniques.
La population s’est réfugiée dans un lieu facilement fortifiable : le Puy Saint-Étienne, sur lequel, au Moyen Âge, fut édifiée la cathédrale Saint-Étienne de Limoges et qui devint « la Cité » gérée par l’evêque.
Un deuxième noyau urbain fortifié s’est développé, « le château Saint-Martial » autour du tombeau de saint Martial (premier evêque de Limoges) géré à la fois par le vicomte de Limoges et les abbés de Saint Martial. Le château est plus dynamique que la Cité et a connu un fort développement. Il est entouré de murailles de 12 mètres de haut, entourées d’un fossé de 20 mètres de large et profond de 7 mètres. Ces murailles avaient huit portes et de nombreuses tours (les boulevards qui cernent le centre de la ville actuelle suivent le tracé de ces murailles).
Au XVIIIe siècle les intendants royaux (dont Turgot) s’efforcent d’ouvrir la ville médiévale et ainsi à la veille de la Révolution, Limoges est une ville moderne. En 1792 la Cité est unie au Château pour former la commune de Limoges.
La place d’Aine
En quelques pas nous voici sur une des places principales de la ville de Limoges, créée durant l’intendance de Turgot. Un grand incendie, en 1864, détruira les habitations situées à l’est de la place. Nous prenons la rue Darnet (le découvreur du kaolin en limousin) qui au départ croise la rue Monte à Regret que les condamnés empruntaient depuis la prison en bas jusqu’à la place d’Aine où était installé la guillotine.
La place de la Motte
C’est l’ancien emplacement de la motte castrale. On y trouve les Halles, en cours de restauration (les magasins sont transférés provisoirement dans bâtiments modulaires placés devant). Derrière un trompe l’œil rappelle les grands moments de Limoges et en arrière plan le clocher de l’église Saint Michel des lions (deux lions gallo-romains de pierre qui gardent son entrée). En 1810, lorsque la foudre s’abat sur le clocher de l’église, l’édifice religieux est endommagé. Le militaire chargé du projet de réfection de la flèche du monument a l’idée de le coiffer d’une boule, « pour faciliter les opérations de triangulation et les mesures géodésiques ». Depuis boulophiles et boulophobes s’opposent régulièrement. On commence à regarder le quartier de la Boucherie, mais il est l’heure du déjeuner et l’on d’abord au restaurant avant la poursuite de la visite.
Chez Alphonse
Le quartier de la Boucherie
Au XIIIe siècle s’installe dans cette rue une famille de six bouchers qui s’approprient le monopole de la viande et du cuir. Ils vivent en autarcie, se marient entre eux. Au départ ils vendent la viande dans leur maisons et égorgent les bêtes dans l’arrière cour. La rue est pleine de sang, mais la motte féodale est entourée d’étangs et il suffit d’ouvrir les vannes pour la nettoyer. Le commerce durera jusqu’au début du XXe siècle en suivant bien sûr les améliorations sanitaires obligatoires. C’est l’un des rares quartiers de Limoges à n’avoir pas brûlé, dit-on grâce à Saint Aurélien et Saint Martial. C’est pourquoi subsistent toutes les maisons d’époque, maintenant des boutiques d’agrément.
Mais le souvenir en est gardé par La Frairie des Petits Ventres, créée à en 1973 pour sauver (avec succès)le quartier de la Boucherie de la destruction, elle est incontournable dans la vie gastronomique de la ville car y sont présentés les produits typiquement limougeauds, essentiellement fabriqués à base de tripes comme le girot, les couilles de mouton, le boudin aux châtaignes ou encore la fraise de veau. Cette fête a lieu le troisième vendredi d’octobre et la statue de Notre-Dame-de-Pitié dite aussi Notre-Dame-des-Petits-Ventres y est portée en procession. C’est un rappel de la tradition des dames bouchères de la rue de la Boucherie, qui, au XIXe siècle, fêtaient la Vierge sous ce nom, le 15 septembre.
En bas de la rue la Pietà. La première piéta installée sur ce socle a été bénite par l’évêque de Limoges durant la Semaine Sainte 1869 et était alors en terre cuite. Détruite il y a quelques années elle a été remplacée par une nouvelle, faite à l’identique mais en bronze.
La chapelle Saint Aurélien
La Chapelle Saint-Aurélien est un édifice religieux des XVᵉ et XVIIᵉ siècles qui abrite les reliques de saint Aurélien. Aurélien se serait opposé à l’activité missionnaire de Martial mais frappé par la foudre, ce dernier l’aurait ramené à la vie. Aurélien se serait alors converti au christianisme et lui aurait succédé comme évêque de Limoges. Les bouchers l’ont choisi comme patron et ont acheté la chapelle à la révolution.
Elle est aujourd’hui propriété de la Confrérie saint Aurélien, héritière directe de l’ancienne corporation des bouchers de Limoges. A la même époque ont été aussi acheté le vitrail au dessus de la porte et la très belle croix en calcaire provenant du Couvent des Carmes. Un boucher a aussi sauvé le crâne de Saint Aurélien qui a été installé dans un nouveau reliquaire. Sur la façade en haut les armoiries de deux familles de bouchers, en dessous les statues de saint Jean et sainte Valérie (des copies).
L’intérieur est très richement décoré, avec un groupe sculpté du XVe siècle représentant sainte Anne, la Vierge Marie et l’Enfant Jésus portant à la bouche ce qu’une tradition identifie comme un rognon (mais c’est peut-être une figue ou une pomme selon d’autres personnes) et le retable baroque dont le centre est occupé par un tableau représentant la Transfiguration qui cache la châsse abritant les reliques de saint Aurélien.
En allant vers la Cité
Nous traversons de grands boulevards, là où avait été construit les remparts du Château. Certes c’est sous Turgot qu’ils ont été détruits, mais il en restait quelques vestiges intéressants notamment derrière la chapelle Saint Aurélien. Ces restes ont été démolis après guerre, sous le règne du maire tout puissant de l’époque pour construire des bâtiments sans intérêt esthétique. Un peu plus loin nous rentrons dans la Cité à l’endroit d’une ancienne porte.
C’est l’occasion de rappeler le sac de Limoges en 1370, pendant la guerre de Cent Ans. Johan de Cros, évêque de Limoges, réputé comme étant un des proches du Prince noir, fut contacté par les émissaires du roi de France, Charles V et il ouvrit les portes de la cité aux troupes françaises. Le Prince Noir, fils du roi d’Angleterre, suzerain du Limousin, prit cela pour une félonie, assiégea et dévasta la Cité coupable qui ne se remit jamais de ce drame.
La cathédrale
On arrive à la cathédrale par une vaste esplanade, car les architectes du XIXe siècle ont jugé utile de détruire toutes les maisons anciennes qui l’entourait. Il y a eu préalablement une église mérovingienne, puis une église romane.
Sa construction commença en 1273, mais ne fut terminée que quelques siècles plus tard en 1888 par le rattachement du clocher d’origine romane à la nef, tout en gardant une architecture homogène. En 1378, la chapelle Saint-Martial et une partie du transept nord furent élevés, quelques années plus tard, c’est au tour du transept sud. Après la guerre de Cent Ans, les deux premières travées de la nef sont édifiées entre 1458 et 1499. Entre 1515 le portail Saint-Jean, chef-d’œuvre limousin du gothique flamboyant, fut construit afin d’inclure la chapelle Saint Martial dans l’enceinte de la cathédrale.
Le jubé pour fermer le chœur fut commandé en 1533 et on commença la construction des quatre dernières travées de la nef. Les travaux d’achèvement de l’édifice ne reprennent véritablement qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, avec notamment l’élévation des trois dernières travées de la nef et du narthex reliant l’église au clocher de la cathédrale romane (sur une certaine distance pour que la rosace de la façade reste visible). Le clocher roman a été surélevé, mais menacait de faire effondrer le portail qui a été recouvert par des murailles de pierre.
Le jubé sculpté de la Renaissance est déposé pendant la Révolution, puis remonté au revers du porche d’entrée (selon les souhaits du Concile de Trente pour ouvrir les églises. En haut les vertus catholiques, à gauche les vertus théologales (Foi, espérance et charité) à droite les vertus cardinales (justice, force d’âme prudence – manque la tempérance) dominant le monde païen figuré par le cycle de vie d’Hercule.
On trouve à l’intérieur de nombreux vitraux souvent remaniés depuis leur origine, des tombeaux ici celui de Bernard Brun décédé en 1350, une vierge noir contemporaine Notre Dame de la Pleine Lumière.
Vers le pont Saint Etienne
Au sortir de la cathédrale on longe le Musée des Beaux Arts de Limoges, ancien palais épiscopale du XVIIIe siècle, puis on traverse les magnifiques jardins de l’archevêché pour descendre vers la Vienne. Le pont saint Etienne date du XIIIe siècle, il était à l’origine fortifié avec une tour et un pont levis sur chaque rive. Plus tard les lavandières étaient installées en amont du pont et leurs maris, les navetots, récupéraient les bois d’œuvre et de chauffage, en provenance de la forêt limousine par flottage sur la rivière.
Mais nous n’atteindrons pas le pont, la pluie redouble. C’est un peu la débandade et certains se retrouverons un peu plus tard trempés au péage du parking de la place Churchill.
Organisation matérielle
Cette visite était ouverte à nos amis des VMF19 Corrèze. Elle a été utilisée par une famille avec enfants qui a pris à sa charge sa restauration.
Les VMF 23 étant moins de 30, capacité d’accueil du restaurant, ont tous pu déjeuner Chez Alphonse pour un tarif global de la journée de 45€ par personne, couple 85€, enfants ou petits-enfants (non majeurs ou étudiants) d’adhérents : 30€.