Victor Petit disait d’Avallon « qu’elle est d’origine extrêmement ancienne et bâtie dans une situation remarquablement pittoresque », sans lien avec l’île d’Avalon du roi Arthur et sa légende, le nom d’Avallon renvoie étymologiquement à une origine paisible et bucolique, « aballo » qui signifie communément « pommier », ce qui suppose qu’il en ait existé beaucoup à l’époque des Éduens qui peuplaient la région.
À l’extrême-sud du département de l’Yonne, Avallon, toute proche de la Côte d’Or et de la Nièvre, domine la vallée du Cousin qui, rappelons-le, se jette dans la Cure qui se jette dans l’Yonne qui se jette dans la Seine… ce qui fait dire aux Avallonais avec une condescendance légitime que c’est bien le Cousin qui passe sous le pont de l’Alma !
À l’époque romaine, elle bénéficie déjà du trafic de la via Agrippa qui relie Lyon à Boulogne-sur-Mer, préjugeant ainsi de celui beaucoup plus dense que lui vaudra l’autoroute du Sud (ancêtre de l’autoroute A6), qui un temps trouvera son terme ici, invitant les automobilistes avant de poursuivre leur route vers le soleil et les vacances à une halte gastronomique, pour les plus aisés au célèbre Hôtel de la Poste qui accueillit l’Empereur en sursis le 16 mars 1815 à son retour de l’île d’Elbe, ces migrations successives assurant une belle prospérité à la ville.
Avallon a connu toutes les agressions et toutes les invasions, ainsi celles des Sarrazins en 731 avant que Charles Martel ne les réduise, des Vikings un siècle plus tard, des Normands, de l’armée royale de Robert le Pieux, des ducs de Bourgogne et jusqu’aux Anglais pendant la guerre de Cent Ans… Sans compter les outrages des guerres de religion et de la peste.
Ces attaques successives vont amener les indigènes à ériger des remparts qui seront incendiés, détruits et reconstruits au fil des ans et des siècles avec le concours significatif de deux prestigieux voisins, Jean sans Peur et Philippe le Bon. Les XVIIIème et XIXème siècles vont apporter à la ville un grand essor, l’ériger au rang de sous-préfecture, la pourvoir de quelques beaux hôtels rue Bocquillot, de couvents et autres édifices publics, d’un hôtel de ville de bonne facture, d’un tribunal de première instance et d’une caisse d’épargne aujourd’hui transformés pour l’un en galerie d’art et pour l’autre en bibliothèque.
C’est donc la visite de cette petite ville charmante, l’une des premières destinations du tourisme naissant d’avant-guerre, qui s’est organisée le 13 juillet pour les VMF de l’Yonne, veille de la fête nationale.
Rendez-vous fut pris à 10 heures pour la visite du Musée du Costume au 6 rue Belgrand, au coeur de la Ville, à une centaine de mètres à peine de l’Hôtel de ville.
Les arrivées vont s’égrener dans le temps et dans des conditions permettant de former des groupes successifs de 15, pris respectivement en charge par Madame Carton Mère et ses deux filles qui ont fondé ce musée, l’ont fourni en costumes, meubles et objets chinés ici et là et le font visiter l’année durant.
Niché dans une vieille, grande et noble maison d’Avallon qui appartint un temps aux Condé, ce musée unique en France présente, de saison en saison, des mannequins en costumes, hommes et femmes, dans une succession de salons, chambres, antichambres et boudoirs meublés, couverts de tableaux et remplis d’objets.
Le lieu est unique et hors du temps pour une balade incontournable servie par la passion de trois femmes au discours riche d’anecdotes, mêlant la grande et la petite histoire.
Les sourires se lisent sur les visages au terme d’une bonne heure de déambulation dans ce monde d’hier, servie par le charme et l’enthousiasme des propriétaires qui n’en reviennent pas de voir autant de monde chez elles.
La Tour Beurdelaine
À quelques pas du musée, Monsieur Pierson, propriétaire, nous propose de visiter l’une des deux tours encore debout jalonnant les remparts d’Avallon qui en a compté 19 au Moyen-Âge. L’ascension de la tour par un escalier nécessairement étroit et défensif présente un intérêt réel alors qu’elle est en travaux, en vue de l’installation de deux chambres d’hôtes. Elle vaut aussi pour ses deux vues, l’une plongeante sur la vallée du Cousin et les jardins en terrasse qui surplombent la rivière, l’autre qui embrasse toute la vieille ville jusqu’à la Tour de l’Horloge et Saint-Lazare. Cette visite va permettre à tous de comprendre la géographie du site et son exceptionnelle situation en bastion naturel, érigé sur la rivière et ses méandres à l’ouest, communiquant avec la terre-plaine à l’est. Les groupes constitués pour la visite du musée du costume vont ainsi cheminer dans le même ordre jusqu’à la tour qui n’a jamais connu non plus pareille assistance !
Déjeuner au château d’Alger
Olivier et Anne Brunisholz nous accueillent, vers midi, dans leur jolie maison romantique construite à l’époque de la conquête d’Algérie, ce qui explique son nom ; située hors les murs, elle réserve la plus belle vue qui soit sur le vieil Avallon. Le lieu est idéal pour le pique-nique qui s’engage par un verre de « fendant » offert généreusement par nos hôtes qui résident en Suisse. Il est temps de se compter, ce que la traditionnelle photo prise sur le perron construit pour nous va permettre. 65, objectif atteint, dépassé sans doute.
Visite de la vieille ville
Rendez-vous est pris avec Pierre Haasé, historien, Vice-Président de la Société d’Études d’Avallon, devant la statue de Vauban, sculptée par Bartholdi et inaugurée en grande pompe le 26 octobre 1873 devant près de 10.000 personnes.
Nous sommes certes un peu moins ce jour-là mais bien présents pour écouter notre guide qui, connaissant sa ville et son histoire, ne nous épargnera aucun détail. Ainsi cheminerons-nous de cette Place Vauban qui abritait autrefois le champ de foire vers la Place de l’Hotel de Ville pour découvrir à l’emplacement de l’église Saint-Julien détruite en 1793, la fontaine Laboureau, du nom de son commanditaire, au milieu de laquelle trône un personnage androgyne symbolisant l’été à l’époque des moissons ou pour d’autres Cérès, déesse des moissons et de la fertilité.
Notre guide nous rappelle opportunément qu’au XIXème siècle, Avallon a profité du génie d’un grand serviteur de l’État, le baron Haussmann qui fut préfet de l’Yonne avant de devenir celui de Paris et de celui de l’Ingénieur Belgrand qui va établir le réseau d’alimentation en eau de la ville avant de se consacrer à la conception et la construction des Égouts de Paris et de concevoir la régulation du cours de la Seine en amont de la capitale.
La visite se poursuivra jusqu’à la Tour de l’Horloge et Saint-Lazare la collégiale après un détour par les remparts et la Tour de l’Éscharguet, assortie d’un passage éclair dans ce que fut le Tribunal d’Instance avant sa fermeture par l’effet de la réforme de la carte judiciaire, la vue du bureau du Juge sur la Place, la collégiale et la Maison des Sires de Domecy valant à elle seule cette courte intrusion…
Notre ultime déambulation au cœur des façades des maisons en pans de bois et autres flamanches ; rue du Collège jusqu’au Carré Barrault et rue Maison-Dieu auront raison de notre enthousiasme et précipiteront le mouvement jusqu’au bout de la rue Bocquillot pour découvrir en fin d’après-midi la merveilleuse maison de Jean-Pierre Escarfail, entre cour et jardin.
La terrasse domine le Cousin et le Morvan avec son échauguette en figure de proue. Le propriétaire évoque ses hôtes illustres, ainsi Bernanos et Mauriac, amis de Robert Vallery-Radot, journaliste et essayiste, voisin des Alleux et gendre de la famille Dordet ; François Raudot de Chatenay nous rappelle avec sensibilité la personnalité si attachante de Christiane Magnificat qu’il a bien connue, celle qui régna longtemps sur cette maison au milieu de ces hommes illustres qui furent ses amis.
Il raconte ainsi que, la maison étant occupée par quelques officiers et soldats allemands pendant la dernière guerre, Christiane Magnificat telle Jeanne d’Arc, ulcérée par cette présence forcée sous son toit, avait erré dans les couloirs des chambres la nuit durant un pistolet en mains, pour en abattre un pour l’exemple… se ravisant opportunément finalement et finir la nuit penaude sans avoir accompli l’exploit chevaleresque que son romantisme commandait.
Ces évocations furent naturellement saluées par quelques petits fours bienvenus au terme de cette journée très chaude et riche de découvertes, arrosées d’un crémant de Bourgogne pour fermer le ban.